Dien-Bien-Phu (2)

  

   

 

jeudi 06 mai 1954

94 hommes du 1° BPC , la compagnie de commandement et une fraction de la 4° compagnie ( capitaine TREILLOU ) ont sauté avec le chef de bataillon , le capitaine de BAZIN .Le harcèlement d’artillerie n’a pas mollit de la nuit.

Dans l’après midi les guetteurs d’ELIANE 2 signalent l’arrivée par les tranchées de l’Est , de forts effectifs ennemis.

ce 06 mai, DIEN BIEN PHU s’organise pour le dernier combat .

il y aura la prochaine nuit où il faudra tenir, et le prochain matin ……………..

vers 5 heures du soir la pluie qui s’était interrompue durant la journée recommence à noyer la Vallée , elle s’insinue dans les tranchées diluant la boue noirâtre en traînées claires.

A la même heure résonne le premier coup de canons de la préparation d’artillerie .

2 heures plus tard la bataille est générale .

à 17 heures les tirs de préparation s’abattent sur ELIANE 2 .

les canons sans recul ennemis réussissent un grand nombre de coups d’embrasure sur les créneaux de la face Sud-Ouest .

a 20 heures c’est au tour de CLAUDINE 5 .

ELIANE 2 , le premier assaut Viêt a été lancé sur la face Sud-Ouest. La valeur d’un bataillon ennemi a été décimé devant les barbelés .

Les vagues d’assaut se succèdent à une demi heure les unes des autres, elles portent maintenant sur les 4 faces du Point d’appui , dans les intervalles le bombardement est intense .

A 23 heures le sommet de la colline saute, les viêts envahissent le point d’appui par l’Est . A 3 heures du matin une contre attaque de la 3° compagnie a réoccupé le somment , un cratère de 50 mètres de diamètre.

A 5 heures un bataillon Vietminh envahit le Point d’Appui, c’est la fin ………….

Matraqué à partir de 5heures, CLAUDINE 5 est attaqué à minuit, est évacué à 2heures .ISABELLE subit toute la nuit un très violent harcèlement .

Sur nos 6 canons de 105 encore en état de tirer, cinq sont détruits .

Les DAKOTA qui portaient la 1° compagnie du 1° BPC , dernière à sauter , ont reçu l’ordre du colonel LANGLAIS de rentrer à HANOÏ .

ELIANE 4 harcelé toute la nuit , a été attaqué à 5 heures du matin . A 9 heures l’ennemi a pris pied sur la colline. ELIANE 4 est tombé à 9h30 du matin .

Tous nos dépôts de munitions sont vides .

Pendant la nuit le général de CASTRIES a demandé le parachutage immédiat d’obus de mortiers tout calibres. 42 tonnes de munitions ont été larguées mais n’ont pu être ramassées .

à midi les Viêts bordent la rivière à l’Est . 5 régiments Viets ont participé à l’attaque de la face Est .

puis rompant la symphonie rageuse et familière des 105 , Un son nouveau , un miaulement aigu et rageur domine.C’est les orgues de Staline qui apparaissent le dernier jour , pour le coup de grâce.

7 mai 1954 : le dernier matin, le dernier jour , le dernier carré . ELIANE 2 , ELIANE 3 , ELIANE 4 , ELIANE 10.

Un son nouveau , un miaulement aigu et rageur dominait d’un ton la symphonie familière des 105. C’était les orgues de Staline qui apparaissaient le dernier jour , pour le coup de grâce.

tout s’effrite, tout se disloque ; Le temps s’étire dans le silence revenu .

le ciel s’est retourné et il est devenu bleu comme jamais .

le soleil sourit aux vainqueurs et il nargue les vaincus .

au dessus de la plaine, imperturbable, un DAKOTA scintillant de lumière largue des colis inutiles et dérisoires .il y a déjà 4 heures que DIEN BIEN PHU n’a plus besoin de rien .

le camp retranché ne peut plus compter que sur lui même et puiser dans son propre courage la force d’assumer son destin .

depuis 11 heures ce matin aucune des positions françaises à l’est de la NAM YOUM n’est tenue, leurs garnisons ont été submergées , elles ne ce sont pas rendues ;

ELIANE 10 est tombée à l’aube, il n’y avait plus que deux officiers retranchés sur le toit d’un abri, le lieutenant BAILLY du 8° Choc et le lieutenant LE BOUDEC du 6° de BIGEARD , tous les deux blessés.

Pourtant la résistance acharnée de BRECHIGNAC et de BOTELLA permettait d’espérer un miracle malgré les pertes effrayantes de la nuit .

ELIANE 4 a résisté jusqu’à 10 heures, BRECHIGNAC espérait en l’accalmie de l’aurore mais le répit ne s’est pas produit .

Et les bo-doïs sont parvenus jusqu’au trou où vivait BRECHIGNAC et BOTELLA en compagnie du lieutenant LECOUR-GRANDMAISON du 2° B.E.P qui avait participé à l’ultime contre-attaque et avait décidé de rester là pour le dernier baroud d’honneur .

Dans la plaine, ELIANE 3 , la cour des miracles, a été investi casemate après casemate par des Viêts circonspects qui nettoyaient le terrain à la grenade sans égards pour les légionnaires et les paras blessés .

Les derniers combattants, une poignée de légionnaires et de tirailleurs ont pu passer la rivière sous la protections des mitrailleuses quadruples du lieutenant REDON .

ALLAIRE ? ici BRUNO , ne tenter rien, le cessez le feu sera fixé bientôt . La voix de BIGEARD trahit sa lassitude , sa tristesse aussi .

Il y a quelques minutes il a vu surgir dans son PC une silhouette méconnaissable, gainée de boue et de sang.

C’était le capitaine LEPAGE qui s’était battu comme un simple voltigeur tirant lui même ses dernières cartouches .

Quelques minutes plus tard une estafette venu du PC remettra au Lieutenant ALLAIRE l’ordre de cessez le feu .

Cessez le feu à 17h30 . Ne tirez plus . Pas de drapeau blanc. A tout à l’heure . Bruno, Pauvre 6 ! pauvres paras !

Le sort est scellé , les combattants de DIEN BIEN PHU plantent leurs armes dans les parois des tranchées et appuient sur les détentes. Les fusils ont un dernier hoquet , les mitraillettes un ultime aboiement et les culasses frappent le vide , les canons éclatent.

Au milieu du camp les équipages de chars vidangent l’huile des moteurs qu’ils emballent pour les détruire, les artilleurs font glisser dans les tubes des grenades au phosphore pour souder les culasses . c’est FINI ! les Viêts n’auront rien .

De partout surgissent les bo-doïs, on dirait une horde de gamins en liesse . Di , di ! Lên ……………….

Dans son PC sur ISABELLE , le colonel LALANDE a vainement tenté d’interroger un DAKOTA inutile et sourd . Quoi faire ? Mais déjà la nuit tombe, refermant sur le dernier point d’appui le piège ennemi .

 

" … trois hommes vêtus de boue, hagards, le visage noir de barbe et de fumée, arrivent en titubant et se laissent tomber sur le sol.

Bigeard se penche sur l’un d’eux, lui prend la main. Pleure-t-il ? Cela n’a pas d’importance à ce moment où tout est dépassé, où la grandeur de l’épreuve donne le vertige à ceux qu’elle frappe, où les mots ne peuvent servir qu’à ceux qui observent, de loin, l’agonie de Dien Bien Phu…

- Mon pauvre Lepage… mon pauvre Lepage…

C’est toute une chevalerie massacrée vainement… il se doute vaguement que le désastre en devoir d’accomplissement n’aura servi qu’à un crucifiement dont tant d’anciens hauts-commissaires, secrétaires d’état ou présidents du conseil se lavent déjà les mains avec une délicatesse affectée… les hommes à cause de qui les batailles sont perdues ne sont pas ceux qu’elles tuent…"

 

- BRUNO de BRECHE , Ne matraquez plus, ne matraquez plus… hurle BRECHIGNAC… il y a trop de blessés ………- "Bruno" de "Dédé"… "Bruno" de "Dédé"…- "Bruno" écoute…

- "Bruno" de "Dédé"… c’est fini… ils sont au PC… dis au gars "Pierre" qu’on l’aimait bien… je fais sauter le poste… »

- puis la voix du lieutenant ARMANDY , je fais sauter le poste ………..

Eliane 4 est investi et les PC de Botella et de Bréchignac cessent d'émettre. Les Viets peuvent tourner Eliane 2 qui est attaqué par sa face Est à 5 heures.

Les défenseurs n'ont plus de munitions. A 10 heures, Eliane 10 (Eliane "bas") est conquis à son tour. Excepté quelques résistances au bord de la rivière, la totalité des points d'appui de l'est est aux mains des viets. A l'ouest, Huguette 4 est également tombé.

PC du général de CASTRIES : Le Colonel LANGLAIS rend compte au général de CASTRIES de la situation . Le général de CASTRIES appel HANOÏ , mon général, l’ennemi borde la NAM YOUM , toute sortie est condamnée à l’échec , un nouveau combat de nuit équivaudrait au massacre des milliers de blessés entassés dans les abris, il faut cesser le combat .

L'ordre de cessez-le-feu tombe à 17 heures. Après destruction de tout le matériel et de tout le ravitaillement, le PC de Diên Biên Phu adresse son ultime message à Hanoi à 17 H 50:

"On fait tout sauter. Adieu".

Quelques minutes plus tard, les viets font irruption dans le PC du général de CASTRIES et occupent les tranchées environnantes.

Un drapeau rouge à étoile d'or est planté sur le PC français.

Diên Biên Phu est tombé mais n'a pas capitulé.

Pendant ce temps sur Isabelle, à 6 Kms au sud, on se bat encore. On entend le grondement de l'artillerie viet qui continue à pilonner la position dont le calvaire durera quelques heures de plus.

Son responsable, le Lieutenant-colonel LALANDE hésite à tenter l'opération "Albatros" dont on lui a laissé l'initiative : une sortie en force vers le sud pour tenter de rallier les lignes françaises avec ce qui lui reste d'hommes valides.

La sortie est tentée dans la nuit du 7 au 8 mai. Elle échoue de peu. La plupart des éléments qui la tentent sont interceptés. Seuls quelques isolés réussiront à franchir les lignes vietminh et à rallier des postes français au prix d'une marche harassante, qui durera des semaines à travers une jungle hostile occupée par les viets.

Le 8 mai à 1h00 du matin, le PA ISABELLE cesse le feu à son tour.

Et DIEN BIEN PHU s’ensevelit dans le linceul des 60.000 parachutes largués en son ciel pendant la bataille .

Allo, allo Castries? Allo Castries ? Mon Général? Dites-moi mon vieux, il faut finir maintenant bien sûr.

Tout ce que vous avez fait est magnifique jusqu’à présent. Euh… Bien, mon Général. Seulement, je voulais préserver les blessés. Oui, c’est bien. Alors, faites ça au mieux en laissant mourir l’affaire d’elle même, en sérénité. Ce que vous avez fait est trop beau pour qu’on fasse ça. Vous comprenez mon vieux ? Bien, mon Général. Allez, au revoir mon vieux. A bientôt. Mon Général ? Allo oui ? Vous serez gentil de voir ma femme . Oui mon vieux. Merci. Au revoir mon vieux.

A Genève ont discutait ; Mendès France voulait en finir dans les délais qu’il s’était fixés, c’est pourquoi sans doute il avait renoncé à évoquer le sort futur de ces dizaines de milliers d’hommes qui attestaient l’arme à la main dans les hautes vallées d’Indochine leur refus d’être livrés pieds et poings liés à ces tonkinois qu’ils avaient toujours combattus.

Il ne faut pas créer de difficultés supplémentaires à nos négociateurs, avait-il dit au Général ELY qui avait plaidé la cause des minorités montagnardes .

La France fermait les yeux, bouchait ses oreilles, taisait sa voix .

TOUT COMME ELLE DEVAIT RESTER A JAMAIS MUETTE lorsque le Cessez le Feu en Indochine fut signé , elle put faire le décompte des prisonniers de DIEN BIEN PHU rendus par le viet-minh .

Elle aurait pu demander : A DIEN BIEN PHU vous avez capturé 11721 soldats de l’Union Française , valides ou blessés ! Vous en avez rendu 3290 , il en manque 7801 ! que sont-ils devenus ? Mais jamais cette question n’a été posée .

 

►à gauche, Marcel BIGEARD ( BRUNO ) à droite, Pierre LANGLAIS ( le gars PIERRE )
cette photo a été prise à leur libération des camps Viêts en septembre 1954, BIGEARD a encore son béret rouge crânement vissé sur la tête, le colonel LANGLAIS à brulé le sien à la chute du camp retranché . il restera longtemps muré dans son silence ! 

 

                                                              Ci-dessus: la carte des unités paraphée en bas par Geneviève de GALARD

 

il n'existe pas ou peu de document filmés de la bataille de Dien bien phu, les photographes de guerre étant tués lors des combats ou fait prisonniers lors de la chute du camp retranché . les photographies et bobines de films ont été confisqués par les viets.

le film de l'assaut final que l'on peut voir sur certaines vidéos est en fait une reconstitution faite par un cinéaste russe au bénéfice des viets.

 

 

                                                             

   

 

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